Green Blood

Le silence est d’or pour une mine Tanzanienne

En Tanzanie, les journalistes qui cherchent à enquêter sur la violence, les dégâts environnementaux et autres abus en lien avec une mine d’or du nord du pays se retrouvent pris au piège entre le silence d’un géant minier et les mensonges d’un gouvernement répressif. Au moins une dizaine de reporters, à la fois locaux et étrangers, ayant écrit sur cette mine ont été censurés voire menacés. Forbidden Stories, un consortium international de 40 journalistes publiant dans 30 organes de presse, lève le voile sur l’histoire consternante de l’or qui quitte la mine de Mara-Nord pour finir dans de si précieux téléphones et ordinateurs high-tech. Cette histoire fait partie de la série « Green Blood », un projet qui continue l’histoire de journalistes menacés, emprisonnés voire tués alors qu’ils menaient des enquêtes autour de problèmes environnementaux.

Deux enfants regardent la mine de Mara-Nord au loin – 23 mai 2019.

Par Marion Guégan et Cécile Schilis-Gallego

17 juin 2019

« Les vraies innovations changent le monde. Pas la planète », déclare fièrement Apple sur son site Internet.« Nous contribuons à la création d’un monde meilleur pour les générations futures » affirme pour sa part le PDG de Canon. La technologie de Nokia entend quant à elle « améliorer nos vies ».

« Aujourd’hui, l’approvisionnement responsable est clairement une condition pour faire des affaires, cela fait partie intégrante des besoins commerciaux d’une entreprise afin d’accéder aux marchés et au financement, entre autres », explique Tyler Gillard, expert en devoir de diligence d’entreprises pour l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Autrement-dit, cela paie de mettre en avant des produits fabriqués de manière éthique et écoresponsable. C’est pour cette raison que les grandes entreprises de la tech achètent l’or dont elles ont besoin pour certains composants électroniques auprès de fournisseurs certifiés. Pour Apple, Canon, Nokia et plus de 500 entreprises enregistrées auprès de l’organisme américain de contrôle des marchés financiers, il s’agit de la raffinerie MMTC-PAMP, en Inde.

Pourtant, ces certifications, supposées garantir l’absence de conflits au sein des mines, ont plus été conçues pour les petites exploitations minières que pour les multinationales. Ainsi, en Tanzanie, une mine d’or appartenant au géant canadien de l’exploitation aurifère Barrick a une longue histoire de violations des droits de l’homme et de dommages environnementaux. Actuellement, la mine d’or de Mara-Nord envoie ses lingots à la raffinerie MMTC-PAMP, devenant ainsi l’un des fournisseurs de nombreux industriels du secteur de la technologie.

Canon et Nokia ont toutes deux souligné que le raffineur indien avait déjà fait l’objet d’audits et avait été jugé conforme. « Si les allégations sont confirmées, cette raffinerie fera l’objet d’un signalement et nous demanderons à notre chaîne d’approvisionnement de se détourner de cette raffinerie », a déclaré un porte-parole de Nokia. Apple a fait une déclaration similaire.

Vue aérienne de la mine de Mara-Nord mai 2019.

À l’autre bout de la chaîne, les journalistes locaux et étrangers qui ont tenté de dévoiler ce qui se passe sur le terrain ont subi des intimidations et la censure de l’État. Forbidden Stories, un consortium international regroupant 30 organes de presse, a découvert que les problèmes persistent dans la mine d’or de Mara-Nord malgré ce que prétend l’entreprise.

Cette mine, située près de la région des Grands Lacs, a été en proie à la violence pendant une vingtaine d’années. De ce fait, elle est entourée d’un rempart de deux mètres de haut et gardée comme une forteresse. Au sens propre comme au sens figuré. Forbidden Stories a pu entrer en contact avec plusieurs reporters qui ont été dissuadés d’enquêter sur la mine. Certains ont été intimidés, d’autres censurés par les autorités. L’un d’entre eux a même dû quitter le pays pendant plus d’une année.

Jabir à côté de barques à Zanzibar – 21 mai 2019.

La censure tanzanienne

« Ils ont fait naître la peur. » Jabir Idrissa, un journaliste de 55 ans originaire de Zanzibar, n’a pas oublié ce qui lui est arrivé il y a deux ans. Il travaillait pour deux journaux, les hebdomadaires MwanaHalisi et Mawio, tous deux publiés en langue swahili, et appartenant à un groupe éditorial réputé pour son travail d’enquête.

En juin 2017, Mawio liant deux anciens présidents à des irrégularités présumées dans des contrats miniers signés dans les années 1990. « Nous avons longuement discuté en salle de rédaction avant de prendre toute décision sur cette histoire », raconte Jabir Idrissa, qui se rappelle de la réunion éditoriale précédant la publication. « Il y a vraiment des sujets que nous avons tus au vu de la situation générale », ajoute-t-il. Mais celui-ci était un sujet important, dit-il. Ils n’ont pas pu l’éviter « parce que le journalisme est un métier qui consiste à dire la vérité ».

Ce devoir de vérité est particulièrement difficile en Tanzanie, où la liberté de la presse est menacée depuis cinq ans et plus encore depuis l’élection de John Magufuli à la présidentielle de 2015. Une loi récente prévoit plus de trois ans d’emprisonnement, une amende de plus de cinq millions de shillings tanzaniens (1900 euros) voire les deux en cas de publication volontaire d’informations ou de données jugées « fausses, mensongères, trompeuses ou inexactes ».

Avant la fermeture des deux journaux pour lesquels il travaillait, Jabir Idrissa, pouvait vivre de sa passion et de son métier : le journalisme. Pour avoir enquêté sur les relations ambigües entre le pouvoir tanzanien et les entreprises qui minent de l’or dans le pays, il a perdu son travail.

De plus, « les journalistes sont attaqués sans raison », rapporte Ryan Powell, spécialiste des médias qui travaille en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est. « La police harcèle les journalistes mais personne n’intervient. » La Tanzanie est aujourd’hui le 118ème pays sur 179 au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Le pays a perdu 25 places en un an.

Le lendemain de la publication sur l’enquête de Mawio, Harrisson Mwakyembe, ministre de l’Information, a interdit le journal pour une durée de deux ans. Simon Mkina, rédacteur en chef de Mawio, a déclaré qu’il commençait à recevoir des menaces par téléphone. Quant à Jabir Idrissa, il a perdu son travail et a été mis à l’écart de toute activité journalistique. Sans ressources et avec trois enfants à charge, il a commencé à travailler dans la friperie de son cousin à Zanzibar.

Jabir parle de la censure à l’équipe de Forbidden Stories – Mai 2019.

L’histoire à l’origine de ces déboires est liée à Acacia Mining – qui a eu différents noms depuis 2006 -, une société britannique qui possède la mine d’or de Mara-Nord et dont Barrick est le principal actionnaire. La société mère canadienne pourrait d’ailleurs bientôt devenir la propriétaire direct de Mara-Nord et de deux autres mines en raison d’un contentieux fiscal entre Acacia et le gouvernement tanzanien.

Après avoir profité pendant des années d’un régime fiscal extrêmement avantageux auprès du gouvernement de Tanzanie, l’entreprise est aujourd’hui en passe de perdre son bras de fer contre les autorités sur le plan environnemental. En mai, les autorités ont condamné l’entreprise à une amende de 5,6 milliards de shillings tanzaniens (2,1 millions d’euros) pour pollution présumée en provenance du bassins de stockage des résidus de Mara-Nord.

January Makamba, le ministre de l’Environnement, a déclaré que le montant de cette amende était justifié, entre autres, par la persistance du problème : « Cela fait dix ans et le barrage de retenue fuit toujours, a-t-il déclaré à propos du barrage censé empêcher le ruissellement des produits dérivés de l’activité minière. La mine d’or de Mara-Nord a conservé de l’eau contaminé dans son enceinte pendant longtemps et ce barrage n’est pas bien construit, d’où l’infiltration de substances dangereuses dans les nappes phréatiques, les rivières et les cours d’eau avoisinants. » January Makamba admet que le gouvernement tanzanien a lui aussi sa part de responsabilité, notamment car il « a systématiquement cru en ce que lui disait la mine ».

Acacia Mining a déclaré à Forbidden Stories qu’elle « a déjà reconnu la nécessité d’une gestion supplémentaire des résidus » et qu’elle « a commencé à planifier et à concevoir une nouvelle installation de stockage des résidus ».

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La vérité est ailleurs

L’opposant politique Tundu Lissu, qui a écrit à propos des conséquences environnementales de l’industrie minière en Tanzanie, a observé « la pollution des rivières et des prairies où les villageois puisent leur eau et élèvent leur bétail » ainsi que de « graves problèmes de santé liés à la mine ».

« J’ai vu six personnes se laver dans l’eau près de la zone minière et ils ont fait une très mauvaise réaction », raconte le Dr Mark Nega, ancien médecin-chef du district en question, à propos des patients qu’il a reçus en 2013.

En 2009, une étude a révélé que l’eau située aux environs de la mine renferme de grandes quantités d’arsenic. Les concentrations d’arsenic sont souvent élevées près des sites aurifères. En 2015, des agriculteurs de la région ont envoyé des échantillons d’eau provenant de la mine au Kenya, pour que ceux-ci soient analysés. L’analyse toxicologique menée par un expert du gouvernement kenyan a constaté « des niveaux de nitrates et de nitrites impropres à la consommation animale. »

« Un incident environnemental s’est produit à la mine Mara-Nord au cours de la saison des pluies du printemps 2009, lorsque l’eau contenant les rejets des bassins de retenue et les eaux de ruissellement de la mine s’est déversée dans la rivière Tigithe toute proche », a déclaré Acacia Mining dans un communiqué. L’entreprise dit qu’elle a agi rapidement après l’incident.

Rivière Tigithe, près de la mine de Mara-Nord – 24 mai 2019

22 assassinats, aucun procès

De plus, les organisations non-gouvernementales ont répertorié 22 meurtres présumés commis par la police ou les agents de sécurité des mines depuis 2014. Les victimes ? Pour la plupart des mineurs illégaux que la compagnie appelle « intrus ».

« Les petits exploitants miniers qui ont obtenu des autorisations gouvernementales possédaient auparavant la majorité des terres en question », précise Mary Rutenge, maître de conférences à l’Université Mzumbe, en Tanzanie. « L’acquisition des terres par la compagnie a eu un impact sur leurs moyens de subsistance et elle ne les a pas dédommagés correctement. »

De tout cela découle un bilan désastreux : des groupes de jeunes sans emploi des villages voisins s’arment de machettes ou de lances métalliques, ils boivent chaque soir, jusqu’à l’ivresse, de la bière ou du Konyagi, une liqueur locale. Une manière de se donner du courage pour escalader le mur autour de Mara-Nord et rapporter un butin équivalent à même pas 20 euros. A la place, ce sont des policiers armés qu’ils trouvent de l’autre côté.

Pourquoi prendre autant de risques ? « Nous devons aller chercher de l’or pour aider nos familles », explique Monchena Mwita, leader des « intrus » originaires de Kiwanja, un village qui se trouve au bord de la mine. « Nous ne pouvons pas obtenir de l’or sans entrer dans le lieu et il n’y a aucun autre endroit où nous pouvons gagner des sous, c’est notre seule source de revenus. »

Pilleurs aux abords de la mine de Mara-Nord expliquant leurs méthodes pour s’introduire dans la mine de North Mara pour extraire quelques paillettes d’or – 23 mai 2019.

Les dirigeants de Barrick rejettent la faute sur la police tanzanienne.« Il y a eu beaucoup, beaucoup d’investigations sur différentes accusations, et vous ne pouvez pas me demander de me substituer aux autorités nationales », s’agace Mark Bristow, PDG de Barrick, quand il est interrogé par Forbidden Stories à propos des meurtres.

Pourtant, la séparation entre la police nationale et la sécurité des mines n’est pas si évidente. Selon l’ONG britannique RAID, Acacia a signé un mémorandum d’entente avec la police stipulant que l’entreprise « fournira un soutien monétaire et matériel à la police, versera une indemnité aux officiers, leur fournira les repas et l’hébergement et les approvisionnera en carburant » afin qu’ils protègent la mine.

Pilleurs escaladant le mur de la mine de Mara-Nord alors que la sécurité arrive – 23 mai 2019.

Le silence a un prix

Certaines victimes disent également que ce n’est pas la police mais les agents de sécurité de la mine qui les agressent. Forbidden Stories, accompagné d’un reporter du Guardian (Royaume-Uni), a rencontré Lucia Marembela, une femme de 44 ans violée à deux reprises en 2010. Elle affirme que ses violeurs sont des agents de sécurité de la mine parce qu’ils portaient des uniformes bleus et non les uniformes beiges des forces de police.

Lucia Marembela a été attrapée par des hommes alors qu’elle cherchait de l’or de la mine, un destin selon elle courant pour les femmes de la région. « Quand on était fatiguées de courir, ils finissaient par nous attraper et nous enmener avec eux » dit-elle. « Ils nous jetaient dans leurs véhicules et nous emmenaient dans un endroit isolé près d’un petit aérodrome, loin de la vue des passants. » Elle raconte qu’un homme la violait, pendant que les autres montaient la garde. « Une fois leur sale travail terminé, ils te laissaient partir, montaient dans leur véhicule et retournaient au travail. »

Parmi les nombreuses exactions recensées autour de la mine de Mara-Nord depuis son ouverture, plusieurs dizaines de femmes auraient été violées par des gardes en 2009 et 2010. Lucia Marembela est l’une d’entre elles.

Nous avons rencontré deux autres femmes qui racontent le même genre d’agression.

Lucia Marembela devra vivre le reste de son existence avec les conséquences de cet acte. Son mari l’a quittée quand il a appris qu’elle avait été violée, la laissant élever seule ses six enfants. « J’en fais des cauchemars », déclare-t-elle. « Surtout depuis que tout le monde sait que l’on m’a violée, à commencer par mes enfants. Parfois, les gens discutent de ce qui m’est arrivé, et cela me fait souffrir. »

Lucia Marembela et d’autres femmes sont allées se plaindre auprès de la direction de la mine. La compagnie, qui s’appelait à l’époque African Barrick Gold, a alors fait un geste en leur proposant de signer un accord: contre 13,9 millions de shillings tanzanien (7000 euros) elle devait abandonner son droit de poursuivre la mine et Barrick au civil. Lucia dit qu’elle n’a pas été capable de lire et de comprendre entièrement le document avant de le signer.

Lucia Marembela, une des victimes violées par des gardes de la mine de Mara-Nord – 23 mai 2019.

« On ne doit pas faire taire les gens, mais il y a toujours des dédommagements, a dit Mark Bristow, PDG de Barrick. Et, depuis le peu de temps que je suis chez Barrick, il y a eu des demandes de dédommagement. Pas de justice, mais bien de dédommagement. Pour payer les gens qui font ces demandes. »

Après plusieurs demandes d’interview refusées, l’équipe de Forbidden Stories saisit l’occasion du passage à Paris de Mark Bristow, le PDG de Barrick, une des plus grandes compagnie minière d’or au monde, l’actionnaire principal d’Acacia Mining, l’opérateur de la mine. Forbidden Stories l’a interrogé sur les violations des droits de l’homme qu’ils ont on pu constater sur le terrain.

Un problème non résolu

La situation reste la même aujourd’hui. « Ces abus, notamment dans la mine d’or de Mara-Nord, ne cessent de redevenir d’actualité », raconte Tundu Lissu, qui était auparavant l’avocat de villageois de la région. Tundu Lissu a été victime d’une tentative d’assassinat en 2017, après avoir accusé le gouvernement de John Magufuli d’avoir menti au sujet du contrat d’exploitation minière. « Il y a des périodes de calme puis quelque chose se produit et l’intégralité de l’affaire éclate à nouveau. Mais les tensions sont toujours vives. »

« Les atteintes aux droits de l’homme liées à l’usage excessif de la force par la sécurité minière privée et publique ont commencé à augmenter sensiblement vers 2005 et ont été très nombreuses entre 2009 et 2016 » a déclaré Catherine Coumans de l’ONG canadienne Mining Watch, qui documente depuis des années, ce qui se passe à Mara-Nord. « Nos contacts locaux, et même le personnel de la mine que j’ai interviewé, m’ont dit que l’approche internationale de Mining Watch et RAID ont ouvert le sujet et contribué à réduire les cas de fusillades, mais les passages à tabac se poursuivent, ce sont la tête et les articulations des personnes qui sont particulièrement visés, ce qui conduit parfois à des handicaps à vie. »

Dans une déclaration, Acacia Mining a affirmé qu’elle avait constamment réfuté diverses allégations des deux ONG concernant des morts illégales et des questions de droits humains. « En quatre ans, entre 2014 et 2017, six personnes auraient perdu la vie sur le site de la mine de Mara-Nord à la suite d’affrontements avec des membres de la police locale », ont-ils ajouté.

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Les journalistes de Forbidden Stories ont rencontré les familles de deux hommes abattus par la police lors de deux incidents distincts, en 2014 et en 2016, alors qu’ils se trouvaient à l’intérieur de la mine. Les familles affirment ne pas avoir reçu de dédommagement. La police dit qu’elle a agit en légitime défense.

« Acacia admet elle-même qu’il existe encore des violations des droits de l’homme au sein de la mine de Mara-Nord », avançait l’ONG britannique Rights and Accountability in Development (RAID) en 2017.

Aujourd’hui, les lingots d’or de la mine sont pourtant toujours affinés par la raffinerie MMTC-PAMP – un raffineur indien membre du groupe hollando-suisse MKS PAMP Group – et certifiés par la London Bullion Market, l’association professionnelle la plus prestigieuse de l’industrie.

« Au cours de notre vérification de due diligence effectuée sur Mara-Nord, nous avons pris les rapports de l’ONG très au sérieux et avons contesté les problèmes soulevés par la mine », a déclaré Hitesh Kalia, responsable des risques et de la conformité chez MMTC-PAMP. « Nous avons évalué les mesures prises par la mine pour remédier aux violations des droits de l’homme, qui sont en grande partie anciennes et liées aux activités des forces de police de l’État opérant dans la zone de la mine.

Village voisin de la mine de Mara-Nord – 23 mai 2019.

De l’or teinté de sang

En 2010, alors que les violations des droits de l’homme étaient on ne peut plus nombreuses, un écrit destiné aux investisseurs indiquait que l’or était raffiné par l’établissement suisse Argor-Heraeus, lui aussi certifié et fournisseur de plus de 600 entreprises.

Les certifications ne font pas tout, préviennent les experts. « Il est important de savoir que ces dispositifs au sein de l’industrie minière, qui sont gérés par l’industrie, ne constituent pas un programme de certifications », explique Tyler Gillard. « Ils vérifient que les raffineries disposent de systèmes pour obtenir de l’or de façon responsable, en conformité avec les normes de l’OCDE. Ils ne visent pas à fournir une garantie sur l’état des produits, ni de l’absence de travail infantile ou de conflit financier autour du commerce de l’or ». Il affirme que la complexité de la chaîne de l’or rend impossible un tel travail et que la qualité des audits est souvent insuffisante. De ce fait, la responsabilité est diluée tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Jürgen Heraeus, président du Conseil de surveillance d’Argor-Heraeus, décrivait la situation sans détour dans une interview en 2016: « Dans ce secteur, il est impossible d’affiner de l’or propre. »

Ainsi, en Tanzanie, les « intrus » des alentours de Mara-Nord continuent de chercher de l’or, mettant leur vie en péril; tandis que les journalistes sont punis et empêchés de mettre en lumière les dommages environnementaux et autres abus.

Jabir dans son magasin. Il ne peut plus être journaliste – 20 mai 2019.

« Une fois qu’ils auront épuisé tout l’or, ils s’en iront, Ils partiront en laissant leur poison derrière eux », affirme Tundu Lissu à propos de l’activité minière.

Pour le journaliste Jabir Idrissa, c’est une carrière et un moyen de subsistance de perdus.

En décembre 2018, Mawio a gagné son procès contre le ministre de l’Information. Cependant, le journal ne rouvrira pas de sitôt puisqu’il a besoin d’une autorisation du gouvernement pour recommencer à publier.

« C’est au gouvernement de décider. S’il nous donne l’autorisation, nous retournerons au travail », déclare Jabir Idrissa. « Je n’ai pas perdu l’espoir de reprendre mon activité avec courage et fierté. »

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